vendredi 31 août 2007
Henri Ratsimbazafy : danse de l'exhumation
qui chantent avec chaleur
en cadence
cette danse
de l'exhumation ?
Dans le village en fête,
tout le monde s'apprête.
Les femmes sont coquettes
et les hommes les guettent.
Les filles se déhanchent
gracieusement
et leurs robes blanches
flottent dans le vent.
Ils chantent tous en chœur
et rythment avec ardeur
la cadence
de la danse
de l'exhumation.
C'est un spectacle étrange
où les pleurs se mélangent
avec la joie...
Les vieux pleurent l'ancêtre
qu'ils ont pu connaître
tout autrefois.
Les jeunes sourient,
chantent, dansent, et crient,
faut bien qu'ils profitent,
la vie passe vite...
Henri Ratsimbazafy : dans ma case en falala
je n'ai pas de richesse,
mais j'ai beaucoup plus beau,
je t'offre ma tendresse.
Je n'ai pas de manteau.
je n'ai que mon ivresse
mes bras et mon cœur chaud
attendent tes caresses.
Je n'ai pas de château,
je n'ai pas de richesse,
je t'offre pour cadeau
un collier de caresse.
A défaut de radio,
les chansons les plus sûres
sont ce que chantent en duo
nos bouches qui murmurent
Dans ma case en falafa
o ! viens viens mon amie
nous attendrons la nuit
une natte pour un lit
nous serons au Paradis
Henri Ratsimbazafy : j'aime les filles
Nivo a les cheveux crépus,
Mais chacune elles ont des dons
Que j'en suis éperdu
Refrain :
J'aime, j'aime les filles
J'aime les filles de mon pays
Elles sont douces, elles sont gentilles
aussi gentilles que jolies.
Lolona, elle a la peau trop blanche
Lala a le teint café au lait
et la rondeur de leur hanche
quelle merveille ! ça me plaît.
Refrain
Bodo est née à Tamatave,
Lila nous vient de Majunga,
Beby, elle est de Morondava
Fanjasoa, de Tana.
Refrain
Noro, elle a la taille fine,
Koly, elle est plutôt dodue
Mais elles ont une poitrine
qui ne m'a pas déçu
Refrain
Vola, elle est plutôt petite,
Vony, elle est plus élancée,
Et quand leurs beaux yeux m'invitent
Je ne peux ne pas danser.
Refrain
Elles ont toutes un je n'sais quoi,
des défauts, des qualités
auxquels je ne sais pourquoi
je ne peux pas résister
Refrain
jeudi 30 août 2007
mercredi 29 août 2007
18 Ethnies Malgaches
1- les Antaifasy: "ceux qui vivent dans les sables". C'est une tribu de la côte Sud Est, dans la région de Farafangana.
2- les Antaimoro: "ceux du littoral". Principalement d'origine Arabe, les Antaimoro vivent dans la région de Manakara (dans le Sud-Est). Ce sont en grande partie des cultivateurs.
3- les Antaisaka: viennent de VANGAINDRANO, zanak'i Menagnara( nom du fleuve) et se trouve au SUD EST de Madagascar.
On dirait aussi "ceux qui viennent des Sakalava". Petite tribu de la région de Mananara (au Nord-Est). Ils furent autrefois de grands guerriers.
4- les Antakarana: "ceux de l'Ankara" ou "Ceux qui peuplent la montagne rocheuse", en référence au massif de l'Ankarana. Les Antakarana forment une petite tribu et ont eu des influences islamiques. Ce sont principalement des pécheurs et des éleveurs.
5- les Antambohoatra: "ceux du peuple".Vivant près de Mananjary (sur la côte est). C'est un peuple qui a reçu des influences de culture arabe.
6- les Antodroy: " ceux des épines"Ils vivent dans le Sud.
Wikipédia : Peuple de pasteurs itinérants et austères, du sud de Madagascar, implanté dans la région la plus aride de l’île. Ils sont réputés pour leur maîtrise de la divination et des sortilèges, et réalisent de beaux bijoux en argent et des tatouages.
7- les Antanosy: "ceux de l'île" Ils vivent dans la région de Fort Dauphin. Fuyant la domination des Merina, ils durent migrer vers l'ouest où ils eurent aussi à se méfier des colons.
Wikipédia : Peuple de marins et de pêcheurs de la région de Fort-Dauphin. Ils sont aussi connus pour être des riziculteurs, des éleveurs, des forgerons et d’habiles charpentiers. Depuis le milieu du XIXe siècle, ils ont colonisé les terres jusqu’au fleuve Onilahy, au dépend des Bara et des Mahafaly, grâce à leur supériorité technique. En mémoire de leurs défunts, ils élèvent des pierres levées dont certaines font 6 mètres.
8- les Bara: Avec un nom d'origine bantoue, les Bara ont le type africain le plus marqué et vivent dans le Sud, au niveau du Massif de l'Isalo et de L'Horombe. Ce sont des gardiens de zébus.
Wikipédia : Peuple de pasteurs semi-nomades des plateaux du sud de Madagascar. Ils seraient d’origine Bantoue, venus d’Afrique et apparentés aux Mbara de la région de Nyassa. Ils vouent un véritable culte à leur cheptel de zébus et aux armes, qui leur ont toujours assuré subsistance et protection. Leur culture est marquée par une forme de tauromachie, le vol des zébus, la danse et la musique.
9- les Betsileo: "les nombreux invincibles"C'est une tribu de la région de Fianarantsoa, principalement des riziculteurs et artisans du bois.
10- les Betsimisaraka: "ceux qui sont solidaires" ou "Les nombreux inséparables" C'est la tribu la plus importante de la côte Est. Cultivateurs de girofle, de café et de canne à sucre, les Betsimisaraka sont les spécialistes de la "Betsa-Betsa", jus de canne fermenté.
11- les Bezanozano: "ceux aux nombreuses petites tresses"Ce sont les forestiers de la côte Est.
12- les Mahafaly: "Qui rend tabou" ou "Qui rend heureux" Vivant dans le Sud comme les Antodroy, ce sont de grands sculpteurs, spécialistes des "Alo-Alo", bois sculpté qui ornent les tombeaux.
14- les Sakalava: "ceux des longues vallées" Ils occupent toute la côte Ouest, d'Antsiranana (Diego-Suarez) à Toliara (Tuléar), et furent autrefois les grands adversaires des Merina.
16- les Tanala (ou Antanala): "ceux qui vivent dans la forêt" Ils vivent sur les falaises de la côte Est, dans la forêt. Ce sont de grands connaisseurs des plantes médicinales.
18- les Zafisoro: Rivaux des Antaifasy, ils vivent tout comme eux dans la région de Farafangana.
Henri Ratsimbazafy : au zoma
et il me faut des distractions
où je ne paie pas un centime
tout en ayant satisfaction.
Pas de bagnole pour me payer une balade,
Pas de sous pour aller au cinéma
Je lèche les vitrines des arcades
et m'en vais directement au Zoma.
Au Zoma
Il y a
Refrain
Il y a tant de fleurs jolies
qu'on y passerait sa vie.
On y voit des vrais parterres
faits de fleurs de toute la terre
Héliotropes, marguerites et bégonias,
gueules de loups, arômes lys et mimosas,
violettes, myosotis et dahlias,
roses, œillets, glaïeuls, etc.
Izaho tsy mba mpanan-karena
fa mpiasa madinika izao,
tsy mba manana ilavoamena
ho laniana amin'izay kilalao
Raha mba te-hampifafifaly tena
tsy mba afa-mijery sinema,
hany hery, lasa aho mankeny an-tsena
mikarenjy afovoan'Anjoma.
Au Zoma
Il y a
Il y a un tas de monde,têtes brunes. têtes blondes,
On y voit toutes les races car chacun y a sa place.
Des créoles, Comoriens et puis Vazaha,
à coté des Ramatoa et des Rangahy,
des Karana, Africains et puis Chinois,
y 'a que les Peaux Rouges qu'on ne voit pas là.
Je n'ai pas une belle demeure
et il m'arrive bien souvent
de rêver d'une case meilleure
avec un jardin florissant.
Mais à cela je ne peux rien y faire,
car de jardin, chez moi 'y en a pas.
Voilà pourquoi je vous dis je préfère
M'en aller en plein milieu du Zoma
Au Zoma
il y a:
Refrain
mardi 28 août 2007
Henri Ratsimbazafy : je me souviens
et il faisait si froid tant l'hiver était rude.
Tout ému par mon sort,
sur mes épaules nues,
tu avais alors
un lamba en toile écrue.
Ce n'était qu'un lamba, un lamba sans valeur,
mais il m'a procuré beaucoup plus de chaleur
et encore plus de joie
qu'un beau tissu de soie.
Je me souviens amie, quand épuisé et las,
je trainais dans les rues sans prendre aucun repas
tu m'as ouvert ta case
et puis tu m'as souri,
et sans la moindre phrase
tu m'as servi du riz.
Ce n'était que du riz et du riz cuit à l'eau
mais il était si bon, il m'a donné si chaud
le meilleur des festins
à coté n'était rien.
Je me souviens aussi, banni et délaissé,
Je ne savais à qui je pouvais m'adresser;
tu as pris mon chemin,
et ne sachant quoi dire,
tu m'as pris par la main
m'accordant ton sourire.
Ce n'était rien du tout, un geste, un simple geste.
mais il m'a fait l'effet d'un grand bonheur céleste,
me redonnant l'envie
de vivre encore ma vie.
Henri Ratsimbazafy : si tu veux
mon amour.
Quel temps fait-il à Paris
en ce jour ?
Je suis seul et je m'ennuie
cette nuit
et je n'ai plus qu'un espoir
te revoir,
Je t'invite
arrive vite,
J'ai déjà tout préparé,
tant espéré...
Si tu veux
nous ferons une promenade dans Tana,
tous les deux
nous flânerons au marché du Zoma.
Je t'achèterai des fleurs
et des colliers de couleurs
et aussi un grand chapeau,
s'il fait beau.
Si tu veux
je t'emmènerai en haut de la ville
tous les deux
nous y trouverons un coin bien tranquille
et pour finir la soirée,
nous irons au cabaret
ou le rythme du sega
nous prendra.
Si tu veux
nous ferons un petit tour en voiture,
tous les deux,
sans itinéraire et à l'aventure.
Et si nous avons trop chaud nous irons faire du bateau
sous le soleil tiède et doux
de Mantasoa.
Si tu veux
après un petit dîner d'amoureux
tous les deux
nous allons rentrer chez nous et heureux,
Je te lirai des poèmes,
des histoires de gens qui s'aiment
je te bercerai d'amour
jusqu'au jour.
Au jour le jour - Voyage de Bruno
Après le stress du sud éthiopien puis l’attente interminable kenyane, Madagascar… c’est le vrai bonheur !
Quittant la Nairobi aux gratte-ciel, aux vigiles en armes et aux hommes d’affaire cravatés, pour arriver dans l’Antananarivo aux maisonnettes agrippées au flanc des collines, à la foule nonchalante et aux jeunes filles aux sourires plus qu’accueillants, c’est retrouver la ville à visage humain, avec ses ruelles tortueuses, ses passages en escaliers, ses petites places, ses maisons coloniales, ses trottoirs étroits, ses boutiques tranquilles, ses bouquinistes comme sur un quai de Seine parisien… car le visage de Tana est très francophone, avec ses taxis 4L et 2CV, avec ses boulangeries vendant baguettes et croissants, avec son climat tempéré (ici c’est l’hiver), avec ses banques à l’enseigne du Crédit Lyonnais, de la Société Générale ou du Crédit Agricole, avec ses publicités pour les recharges de mobiles Orange, avec même une crémerie proposant un véritable choix de fromages locaux et d’importation… Il faut dire que ce soudain vrai petit bonheur, vous savez un peu comme quand on se sent si bien chez soi, je le dois en grande partie à l’accueil que m’a réservé Laurent, un ami d’un ami ; venu me chercher à l’aéroport, il avait tout prévu comme si on se connaissait depuis toujours : l’hôtel réservé, la visite de la ville, le mécanicien vélo – Samuel – prêt à remettre d’aplomb mon Orbea un peu souffrant de ses cinq milles kilomètres africains, les bonnes tables pour les soirs, la nuit musicale de la capitale, les conseils en tout genre…
Mais Madagascar est un continent à elle toute seule, et si je voulais en parcourir une bonne partie, il me fallait prendre la route sans plus m’attarder à Tana. La première partie du voyage devait me mener sur la côte nord-ouest, au port de Majunga. Une longue et belle toute de six cents kilomètres m’attendait. Les quatre premiers jours se déroulèrent sur les hauts plateaux, des plateaux pas tout à fait plats, plutôt vallonnés avec même des petits cols, un peu comme certains cols secondaires des Vosges. Mais ici pas de forêt de sapins, la déforestation a été poussée à son maximum, on déambule à travers une sorte de vaste steppe d’herbes sèches aux couleurs automnales, variant des jaunes, aux bruns, à la terre de Sienne et jusqu’à l’orangé dans la si belle lumière du soir malgache. Du haut des côtes, seul le ruban gris d’asphalte sinueux donne du relief à ces prairies aux tons chauds où pèsent de ci de là quelques petits troupeaux de zébus. Au second plan, des sommets plus élevés donnent au panorama illimité l’assise de sa majesté. Terres pauvres et peu habitées, les villages sont rares et donc les étapes furent plutôt longues, mais avec un vélo refait à neuf, quel plaisir ! Les deux jours suivants furent plus contrastés. L’étape qui me mena à Marovoay me fit en effet finalement arriver sur une route-digue d’un bon kilomètre, route-frontière avec à ma droite un lac bleu foncé brillant au soleil, et à ma gauche une rizière à perte d’horizon d’un vert franc de jeunes pousses, j’avais devant moi l’un des trois principaux greniers à riz de Madagascar : le miracle de l’eau maîtrisée dévalant des hauts plateaux. Et Marovoay est une ville à voir, avec ses rues ensablées, son port en décrépitude sur un bras du delta qui mène à la baie de Majunga (la route a sans doute remplacé la voie fluviale, mais il reste de grands hangars portuaires à l’abandon, des silos qui montent la garde sur des quais où sans doute plus aucun bateau ne vient s’amarrer aux bites devenues insolites face à l’océan vert des rizières), ses maisons coloniales aux façades délavées dont le crépis se délite par pans entiers sous l’action de l’humidité et de l’oubli ou de la pauvreté ; et puis il y a la Marovoay au marché hebdomadaire animé et coloré, aux chariots à zébus transportant de lourds sacs de riz jusqu’aux camions Mercedes qui attendent leur cargaison, à la faconde animée des négociants devant leurs plateaux-balances, aux piroguiers rapportant du delta une pêche loin d’être miraculeuse… Quittant cette ville rizicole, la dernière étape me fit oublier le vert pour, cinquante kilomètres plus loin, me faire plonger dans un univers jaune assez terne : du haut du dernier petit col, on aperçoit au loin la baie et la ville de Majunga, mais la route fait un long détour, comme pour rester sur la même ligne de niveau, à travers une campagne très sèche qui, avec la chaleur accablante due à la perte d’altitude, fait penser à un quasi désert en cette saison. Enfin, assoiffé par le vent et brûlé par le soleil, on arrive successivement dans deux Majunga : d’abord la moderne, grouillante de commerces et de circulation (après six cents kilomètres de campagne, quelques voitures, des groupes de piétons, quelques pousse-pousse à bras… et l’on imagine déjà un embouteillage !), puis l’ancienne ville en bordure du port, calme, silencieuse, presque vide, elle fait penser à St Louis du Sénégal avec son sable dans les rues secondaires et ses grands bâtiments d’un autre siècle qui semblent délaissés ; seule sa promenade sur la corniche, refaite à neuf depuis le dernier ouragan, lui redonne un peu de vie le soir lorsque la jeunesse vient s’y retrouver. Majunga, dans mon itinéraire, c’était le port où je devais prendre le ferry vers Nosy Be plus au nord, mais si la corniche a été reconstruite, le ferry, également endommagé par l’ouragan, lui, est toujours en rade… c’est donc en taxi-brousse (sept cents kilomètres, vingt-deux heures, une nuit affreuse) que j’ai rejoint Ankify, le petit port d’où partent les navettes pour la fameuse île de Nosy Be.
Nosy Be, les touristes s’y entassent sur les plages de sa côte ouest (il y a même désormais un vol direct depuis Milan !). Qu’allais-je faire dans cette galère ? Du vélo, bien sûr ! Après une journée de repos pour récupérer de mon voyage en taxi-brousse (le vélo c’est tout de même moins fatiguant), je décidai de faire le tour de l’île à vélo, sans sacoche pour être sans contrainte d’itinéraire – les vrais itinéraires VTT sont impossibles avec des sacoches – et ce d’autant plus que je n’avais pas de carte. Deux heures me suffirent pour atteindre le bout de la route goudronnée sur la côte ouest dans la presqu’île d’Andilana, une route sans grand intérêt mais, à quelques kilomètres avant ce cul de sac, j’avais repéré une piste qui partait vers l’est. Un détail d’observation qui va se révéler être un très bon plan. Après quelques kilomètres sur cette piste, à une intersection, oh ! bonheur, un panneau indicateur (ils sont très rares à Madagascar) : à droite la direction du Mont Passot, sommet de l’île culminant à 329 mètres, ce n’est pas bien haut me direz-vous, mais je peux vous assurer que cela monte bien sec et que j’avais rudement bien fait de laisser mes sacoches à l’hôtel. En haut, je découvre une superbe vue à trois cents soixante degrés sur toute l’île où les lacs intérieurs donnent la réplique aux baies océanes plus lointaines. Après cette sérieuse mise en jambe, de retour à l’intersection je ne peux résister à prendre l’autre direction vers la gauche, autre direction qui me mène à la baie de Befotaka, une baie de carte postale, totalement isolée, où je trouve tout de même un petit resto sous les cocotiers (inattendu mais si bienvenu) tenu par un italien et sa belle malgache qui me servent d’excellents macaronis al dente au mérou parsemés de pelures de citron vert, un régal avant la baignade et avant de reprendre la piste qui continue un peu vers le nord pour bifurquer finalement au sud-est. C’est une très belle piste, en cours d’achèvement (je devais sans doute être l’un des premiers voyageurs à y passer à vélo car les bulldozers, étonnés de me voir, s’arrêtaient de manœuvrer pour me laisser la voie libre), qui serpente sur le haut des collines et donc qui offre de superbes panoramas sur la côte est, côte sauvage, bordée de mangrove et donc vierge d’installations balnéaires. Lorsque l’on traverse les deux ou trois petits hameaux agricoles de cette partie isolée de l’île, on a du mal à imaginer qu’à quelques kilomètres à vol d’oiseau de là c’est l’enfer de la concentration des hôtels à bungalows, restaurants, boites de nuit, magasins de souvenirs, agences de voyage, de massage, de plongée, etc. Mais lorsqu’au détour d’un virage d’une belle descente, sur de la latérite fraîchement tassée et lissée (un vrai plaisir !), on se trouve nez à nez avec une piste d’aéroport international, on réalise à nouveau que l’on est bien à Nosy Be. La ballade se termine alors par la route de l’aéroport, à rythme soutenu car il est déjà dix-sept heures et il fera donc bientôt nuit. Le lendemain, voulant toujours éviter les plages de Nosy Be, c’est en pirogue à moteur que j’irai me baigner à Nosy Tanikely, un petit îlot à une heure de Nosy Be, petit îlot avec une plage de rêve et un beau site de coraux aux poissons multicolores, beau site qui cependant souffre désormais de sur-fréquentation car, s’il était connu et réputé pour ses tortues de mer, bien malin qui peut aujourd’hui en dénicher une entre un concombre de mer et une grappe d’oursins.
Après cet intermède au large de la Grande Terre, la deuxième partie du voyage devait me mener sur la côte nord-est, la fameuse Côte de la Vanille. Le voyage commence par une courte étape à travers des plantations de cacaoyers jusqu’à Ambanja pour rejoindre la route principale ; mais avant il faut d’abord prendre le ferry, un bien petit ferry à trois places de voitures où s’entasse en revanche une foule de piétons (et un cycliste). Par chance, je me suis trouvé une place sur un banc, c’est loin d’être le cas pour tout le monde. La traversée s’annonce donc agréable sous un soleil matinal et une légère brise marine, jusqu’à ce que l’un des matelots vienne voir le vaza (le blanc) pour lui dire : « On est désolé, Monsieur, on a un cadavre ! ». Un propos qui me laissera circonspect jusqu’à ce que quatre forts gaillards viennent déposer à mes pieds un cercueil… de quoi refroidir l’ambiance de la mini croisière. Après Ambanja, une longue étape me mène vers le nord à Ambilobe, la route est belle et heureusement ombragée car le soleil cogne sérieusement. Le lendemain, je dois attaquer la fameuse longue piste, que tout le monde qualifie d’atroce, vers le nord-est. Je commence très mal le parcours : pour la première fois depuis mon départ de Dakar, je fais sérieusement fausse route. Faisant confiance successivement à ma carte qui indique la bifurcation pour Vohémar à environ quinze kilomètres au nord d’Ambilobe, puis à un cycliste qui roule dans ma roue et à qui je demande de me confirmer la direction de Vohémar, je m’arrête finalement à trente kilomètres au nord d’Ambilobe pour m’entendre dire que la bifurcation en question c’est celle de l’ancienne route qui n’existe plus et que c’est dans Ambilobe elle-même qu’il fallait bifurquer à droite… retour à la case départ avec deux fois trente kilomètres pour des prunes ! Des cent kilomètres de piste que je prévoyais de faire aujourd’hui, je n’en ferai finalement que les trente premiers, trouvant refuge à Betsiaka dans une piaule très rudimentaire : un lit sur un sol en béton, quatre poteaux sur lesquels sont cloués murs et toit en tôle ondulée, ce soir ma tente-moustiquaire est de rigueur pour me mettre à l’abri des moustiques et des éventuelles puces et punaises. Moi qui préfère la piste à la route, je vais être comblé : une vraie piste à la « Camel Trophy » va m’occuper toute la journée suivante. Au milieu d’un paysage de garrigue vallonné, un serpentin de terre rouge se déroule suivant un tracé assez chaotique, passant tant bien que mal d’une colline à l’autre, cherchant le meilleur gué pour la traversée des nombreux ruisseaux asséchés en cette saison, contournant les éperons rocheux les plus saillants, obliquant pour rejoindre les grands ponts à haubans qui enjambent les larges lits de fleuves où s’écoule encore un timide flux entre de vastes bancs de sable. Devant ma roue alternent les passages sablonneux, les portions très caillouteuses et, surtout, les abyssales ornières que les camions ont sculptés dans la glaise à la saison des pluies. La vigilance est permanente sur ce type de terrain mixte, quatre-vingt kilomètres et pas cinq minutes pour rouler en toute quiétude, il faut en effet lire dans le pli du sable pour deviner le passage porteur qui évitera l’enlisement, il faut anticiper le mauvais caillou pour se mettre à l’abri du pincement de chambre à air, il faut déchiffrer la morphologie des ornières solidifiées pour se glisser sur la trace la plus roulante, tantôt sur le fil de l’arête de l’ornière, tantôt au contraire dans les creux et les bosses du fond de cette dernière… Bref, on se prend au jeu et on en oublie la fatigue. Le troisième jour de piste sera une autre paire de manches (à air !) : si la piste devient plus régulière, notamment parce qu’une niveleuse a cassé les plus grosses ornières, plus on avance, plus on se rapproche de la côte est, et plus il faut alors compter avec le vent fort des alizés qui dès dix heures du matin soufflent en continu sud-est c’est-à-dire, pour moi, en pleine face. Dans ces conditions, l’atteinte de l’asphalte à l’entrée de Vohémar est une récompense méritée et le petit bungalow de l’hôtel Sol Y Mar sous les cocotiers, face à la baie bleue et calme car protégée par deux barres au large, est un havre inespéré de tranquillité pour une bonne sieste, un palabre instructif avec un archéologue américain de l’université de Cambridge et une excellente langouste grillée dégustée sous une paillote à l’abri de la fine pluie qui ponctue chaque fin d’après-midi sur cette Côte de la Vanille.
C’est en effet à Vohémar que débute, vers le sud, le pays de la vanille. Mais cette riche côte agricole a plus d’une corde à son arc, la vanille certes, mais également le poivre, le clou de girofle, les bananes, les noix de coco, le café, les noix de cajou, la canne à sucre, les mangues, les papayes, les fruits de la passion, les goyaves, les corossols… Après les prairies sèches des hauts plateaux puis les arbustes de la garrigue du nord, je retrouve, sur la route qui me conduit en deux jours à Sambava, les paysages tropicaux déjà rencontrés près du Mont Kenya : luxuriance, dictature du vert, déferlement de végétation, plantations un peu anarchiques, forêt primaire à l’horizon sur les hauts de la chaîne côtière, petites rizières dans les rares recoins un peu plats. Mais surtout, et cela fait une nette différence avec la route du Mont Kenya, au plaisir des yeux vient s’ajouter les senteurs enivrantes des tropiques. C’est en effet la période de la récolte et du séchage de la vanille et devant presque chaque hutte d’habitation, des milliers de belles gousses brunes violacées, brillantes et charnues prennent le soleil et dégagent un parfum de confiserie ; et comme pour tester les capacités olfactives du cycliste en sueur, un peu plus loin ce sont les fleurs des caféiers qui viennent taquiner mes narines.
Enfin, dernière partie de ma virée nord malgache, direction plein nord vers Diégo. La Côte de la Vanille étant un cul de sac, aller à Diégo implique soit de prendre l’avion, soit de refaire les cent cinquante kilomètres de piste dans l’autre sens. J’ai choisi la seconde option, mais en taxi-brousse et non en vélo cette fois-ci, du moins… A l’aller, j’avais vu les super taxis-brousse de nuit, des camions quatre-quatre intelligemment transformés en bus apparemment confortables, mais le jour où je devais prendre la route il n’y avait pas assez de clients pour remplir un bus ; c’est donc en simple minibus Toyota que nous allions voyager. Vu l’état de la piste, j’étais un peu dubitatif, mais après quelques heures de conduite, même si dans les passages les plus risqués tous les passagers descendent pour faire le tronçon à pied, j’étais, malgré les quelques (rares) bruits inquiétants de bas de caisse raclant de ci de là un rocher mal placé, impressionné par la dextérité du chauffeur plaçant chacune des roues au bon endroit pour éviter les embûches et ce, jusqu’à quatre heures du matin, heure à laquelle le moteur s’étouffa soudainement. Après démontage et remontage de nombreuses pièces mécaniques, le verdict tomba vers huit heures : l’un des rochers mal placés avait au raison des silentblocs, du moins c’est ce que je compris… les passagers partaient à pied au village suivant à la recherche d’un véhicule de remplacement, moi, je décidais de terminer le voyage à vélo ; il restait soixante-cinq kilomètres de piste, avec une nuit blanche, le ventre vide et sans eau jusqu’à mi parcours, je n’étais pas véritablement à la fête ! Les jours se suivent et ne se ressemblent pas car le lendemain j’eus de superbes conditions météo pour effectuer la longue étape (140 kilomètres) de Ambilobe à Diégo : un ciel couvert signifiant une température clémente et pas de vent. Mais surtout, j’avais un peu étudié la carte avant le départ vers le nord, or lorsque la géographie emprunte à la poésie pour nommer les lieux, elle s’incarne dans un corps de sirène obsédant que l’on veut rejoindre à tout prix c’est-à-dire sans préoccupation de distance, on pédale en quelque sorte sous hypnose : je voulais absolument aller voir la Montagne d’Ambre, le Lac de la Coupe Verte, la Mer d’Emeraude, la Pointe du Corail, la Baie des Pigeons… tous ces lieux dont le seul nom me faisait rêver (serait-ce dû à Proust ?). Pour gravir à pied la Montagne d’Ambre, il fallait d’abord rejoindre à vélo Joffreville, un bourg colonial établi en hauteur pour bénéficier de la fraîcheur de l’altitude, un peu comme Da Lat sur les hauts de Saïgon ; le temps couvert de la veille s’était intensifié et rendait lourde et oppressante d’humidité ma progression sur le faux plat usant des vingt premiers kilomètres, j’accueillis donc avec un certain soulagement l’arrivée d’une fine pluie, fine pluie qui se transforma en une vraie averse tropicale à l’orée du col terminal, une belle montée en lacets réguliers sur dix kilomètres qui, avec la pluie, devenait un col typiquement vosgien. Trempé, je découvrais les rues de Joffreville plongées dans les nuages, traversées par des ruisseaux de boue, désertées de ses habitants réfugiés à l’abri du déluge. Je me précipitais alors à l’auberge où le sourire des trois jeunes filles qui m’y accueillirent, puis le repas qu’elles concoctèrent à leur unique hôte du jour, me réchauffaient déjà. La pluie ayant décidé de ne plus s’interrompre jusqu’à tard dans la nuit, je peaufinai mon réchauffement en m’enfouissant tout l’après-midi sous mon édredon, seul. Le temps incertain du lendemain matin ne m’incita pas à gravir la Montagne d’Ambre dans la boue, en compagnie des sangsues et sous la probable pluie post-méridienne ; la Montagne d’Ambre et le Lac de la Coupe Verte resteraient un rêve, je fuyais vers la Mer d’Emeraude. La fuite fut agréable, une descente nonchalante presque sans aucun coup de pédale jusqu’à Diégo, puis un cheminement tranquille sur le cercle quasi parfait de la route côtière de la fabuleuse Baie des Français, avec pour seul horizon l’Île du Pain de Sucre comme centre du cercle entourée d’une mer d’huile indigo. Vous ne me croirez pas, mais, le lendemain, peu après avoir embarqué sur la petite barque à voile en direction de la Mer d’Emeraude, il pleut ! Une fois la marée assez haute pour franchir la Fausse Passe de la Baie de Diégo Suarez qui ouvre la voie sur la Mer d’Emeraude, je découvre une mer de lait menthe bien fadasse qui se confond au loin dans le gris souris d’un ciel fort chargé et menaçant : mon rêve de lagon étincelant d’émeraude et d’argent part en quenouille. Mais heureusement, qu’il s’agisse de la Montagne d’Ambre ou de la Mer d’Emeraude, en appendice des lieux eux-mêmes restent accrochés leurs noms, des noms de lieux qui persisteront à nourrir mon imagination…
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